5.5.09

La Nouvelle Justine _ Sade

[...] " Cesse de croire à ce Dieu fantastique, mon enfant ; il n'exista jamais. La nature se suffit à elle-même ; elle n'a nullement besoin d'un moteur ; ce moteur, gratuitement supposé, n'est qu'une décomposition de ses propres forces, n'est que ce que nous appelons dans l'école une pétition de principes. Un Dieu suppose une création, c'est-à-dire, un instant où il n'y eut rien, ou bien un instant où tout fut dans le chaos. Si l'un ou l'autre de ces états était un mal, pourquoi votre imbécile Dieu le laissa-t-il subsister ? Était-ce un bien ? pourquoi le changea-t-il ? Mais si tout est bien maintenant, votre Dieu n'a plus rien à faire ; or, s'il est inutile, peut-il être puissant ? et s'il n'est pas puissant, peut-il être Dieu ? peut-il mériter nos hommages ? Si la nature se meut perpétuellement, en un mot, à quoi sert le moteur ? et si le moteur agit sur la matière en la mouvant, comment n'est-il pas matière lui-même ? Concevez-vous l'effet de l'esprit sur la matière, et la matière mue par l'esprit, qui, lui-même, n'a point de mouvement ? Vous dites que votre Dieu est bon ; et cependant, selon vous, malgré son alliance avec les hommes, malgré le sang de son cher fils, venu pour se faire pendre en Judée, dans la seule vue de cimenter cette alliance, malgré tout cela, dis-je, il y aura encore les deux tiers et demi du genre humain de condamnés aux flammes éternelles, parce qu'ils n'auront pas reçu de lui la grâce qu'ils lui demandent pourtant tous les jours. Vous dites qu'il est juste, ce Dieu ! Est-il bien équitable de n'accorder la connaissance d'un culte qui lui plaît qu'à une trentième partie de l'univers, pendant qu'il abandonne le reste dans une ignorance qu'il punira du dernier supplice ? Que diriez-vous d'un homme qui serait juste à la manière de votre Dieu ? Il est tout-puissant, ajoutez-vous. Mais, en ce cas, le mal lui plaît donc, ; car il en existe sur la terre infiniment plus que de bien ; et cependant, il le laisse subsister. Il n'y a donc pas de milieu ici ; ou ce mal lui plaît, ou il n'a pas le pouvoir de s'y opposer ; et, dans l'un ou l'autre cas, je ne dois pas me repentir d'y être enclin ; car, s'il ne peut l'empêcher, certainement je ne puis être plus fort que lui ; et s'il lui plaît, je ne dois pas l'anéantir en moi. Il est immuable, dites-vous encore : et cependant je le vois changer cinq à six fois de peuples, de lois, de volontés, de sentiments. D'ailleurs l'immuabilité suppose l'impassibilité : or, un être impassible ne peut pas être vindicatif ; et vous prétendez pourtant que votre Dieu se venge. " [...]



Comme quoi, Sade c'est pas que du cul... ok il dit tout ça pour la sauter. Mais c'est quand même puissant !

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